Bololin, bololan,
Lo compono do Loucamp
Es toumbado din l'estonc...
En 1914, l'abbé Monminoux raconte ainsi cette légende : "C'est en chantant cette naïve cantilène que bien des mamans endorment leurs poupons. Ses paroles accompagnent à souhait, le doux balancement des berceaux. Portées sur les ailes de cette modeste poésie, les cloches de Leucamp sont devenues légendaires.
Elles se rattachent à nos premiers souvenirs, et nous imaginons volontiers, qu'elles ont été mêlées à de tragiques événements. Or, voici ce que, en la veillée de Noël, entre deux carillons, me raconta l'un d'elles, la plus petite, la plus vieille :
« Il fut un temps où elles étaient quatre, quatre sœurs qui, bien rangées, là, dans ce joli clocher à jour, d'où s'entendent toutes les rumeurs des vallons et des bois, avaient, pendant de très longs siècles pleuré les trépassés, joyeusement annoncé les nouveau-nés, et, de leurs gais carillons, accompagné, jusqu'au pied des autels tant et tant de timides épousées. Elles furent les voix de ce peuple, dont les chaumières se groupaient autour du clocher, voix graves et tristes comme des sanglots, lorsque là, au-dessous d'elles, dans la fosse profonde et noire un chrétien allait dormir son dernier sommeil ; voix alertes et vives, lorsque, aux matins d'avril, elles chantaient le réveil des choses, les espoirs nouveaux, la terre gonflée de sève et l'espérance des moissons futures ; voix effrayantes, jetées dans les airs, comme une clameur, lorsque l'ennemi, l'Anglais, s'avançait jusqu'au cœur du pays. Et c'est ainsi qu'ayant tour à tour chanté les joies et les tristesses de ce peuple qui les aimait, elles virent arriver ce que vous avez appelé la grande Révolution. Alors, comme beaucoup de leurs sœurs des clochers de France, les cloches de Leucamp furent volées. Toutefois, ce ne fut pas sans protestations. Durant la nuit, des gars courageux, osèrent prendre sur le char où on les avaient empilées, la plus petite, la plus vieille d'entre elles, la plus aimée, et, pour la cacher, ils la jetèrent là-bas, au fond de ce pré, dans un bourbier. C'est là que, depuis plus de cent vingt ans, muette, la petite cloche dort. Cependant, dans la nuit de Noël, tous les anciens du pays pourront vous l'affirmer, à l'heure même où je tinte doucement pour l’Élévation, du fond de son bourbier, comme un écho, la vieille cloche me répond. »
C'est ainsi que me parla la cloche de Leucamp, la plus petite, la plus vieille, et, lorsqu'elle eut fini son triste récit, le vent qui passait arracha, de son cœur de bronze, un frémissement que je pris pour un sanglot."
Une autre version racontée par Maurice Combes en 1988 veut que les cloches aient été immergées dans un « gourd » (trou d'eau) du Longayroux : « Au temps de la guerre de Cent Ans, les Anglais emportèrent les cloches de l’église de Ladinhac, mais en traversant les gorges de Foissac, ils glissèrent, et se noyèrent dans le gouffre, entraînant les cloches avec eux. Depuis, tous les ans, le soir de Noël, le son mélancolique des cloches englouties, retentit dans ces gorges sauvages ».
Un siècle plus tard (2015), la comptine sur la légende des cloches de Leucamp reste encore dans quelques mémoires :
Balalin balalan | Balalin balalan | |
Las campanas da Leucamp | Les cloches de Leucamp | |
Son tombadas dins l'estang. | Sont tombées dans l'étang. | |
Quau lai lèva ? Peire Grand |
Qui les lève ? Pierre Grand |
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Quau las plora ? La granolha |
Qui les pleure ? La grenouille |
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Quau ne fai dól ? Lo parpalhòl |
Qui en porte le deuil ? Le papillon |
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Quau ne ritz ? Lo rit |
Qui en rit ? Le canard |
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Quau ò dich ? Lo reipetit |
Qui l'a dit ? Le roitelet |
On observe que le texte de cette comptine, récité aux enfants à l'autre bout du Veinazès (Cassaniouze notamment), remplaçait "les cloches de Leucamp" par celles de l'église de Parlan ; une question de proximité sans doute...
Abbé Monminoux, journal paroissial Echos du Veinazès, mars 1914, Archives départementales du Cantal.
Maurice Combes, Les cloches de Leucamp, Revue "Patrimoines en Châtaigneraie", 1988.
Communication et traduction de la comptine par Anne-Marie Loubière. 2015
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